Toya Manabu Les sanctuaires shintô (jinja) sont des espaces sacrés qui se composent tous de plusieurs éléments spécifiques ayant chacun une fonction bien précise qu’il vaut mieux connaître pour comprendre leur signification profonde. Toya Manabu, historien et desservant shintô, vous invite à le suivre pas à pas pour une visite guidée qui vous mènera du portique (torii) de l’entrée de l’enceinte sacrée jusqu’au bureau du sanctuaire (shamusho). [/size][size]
L’enceinte sacrée du sanctuaire
Le Japon abrite plus de 100 000 sanctuaires shintô (jinja) de toutes tailles, dont les plus anciens remontent à quelque deux millénaires. Le shintô, la religion autochtone des habitants de l’Archipel, est un culte de type animiste où l’on vénère des myriades de divinités (yaoyorozu no kami). La plupart des sanctuaires sont consacrés à un ou plusieurs kami en relation directe avec le lieu où ils ont été édifiés. Ils se présentent sous la forme d’une enceinte sacrée au cœur de laquelle s’élève le « pavillon principal » (honden) qui abrite le « support matériel de la divinité » (shintai) constitué par un objet sacré dans lequel le kami est censé résider. Le honden est précédé par un « pavillon cérémoniel » (haiden) où les fidèles viennent se recueillir et par plusieurs portiques dont chacun a une signification et un rôle bien précis. Pour en savoir davantage sur les sanctuaires shintô et leurs différentes composantes, il suffit de vous joindre à la visite guidée que nous vous proposons ci-dessous.
Torii : les portiques délimitant l’espace sacré
Le mot torii désigne le portique qui marque l’entrée de l’enceinte sacrée des jinja. Son apparence particulièrement distinctive a fait de lui l’emblème des sanctuaires shintô dans le monde entier. La présence d’un torii avertit le visiteur qu’il est sur le point de pénétrer dans un espace sacré. L’usage veut d’ailleurs que l’on s’incline avant de le franchir. ( Lire la suite )
Sandô : le chemin d’accès au cœur du sanctuaire
Le portique marquant l’entrée du jinja une fois franchi, le visiteur aborde le « chemin d’accès » (sandô) qui va le mener progressivement jusqu’au cœur du sanctuaire. ( Lire la suite )
Shimenawa : les cordes sacrées
Dans la langue japonaise, le terme shimenawa désigne une corde en paille placée autour d’un objet ou au-dessus d’un espace pour indiquer son caractère sacré et sa pureté. ( Lire la suite )
Temizuya : le pavillon des ablutions
En suivant le chemin d’accès du sanctuaire, on finit par arriver au « pavillon des ablutions » (temizuya ou chôzuya) situé juste à côté du dernier torii. Il abrite un petit bassin alimenté en permanence avec de l’eau courante. (Lire la suite)
Komainu : les gardiens de pierre du sanctuaire
Les komainu (littéralement « chiens de Corée ») sont constitués par une paire de lions (shishi) placés de part et d’autre du sandô, non loin de l’entrée du sanctuaire ou du pavillon cérémoniel (haiden). Ces étranges créatures sont censées écarter les démons de l’espace sacré. ( Lire la suite )
Haiden : le pavillon cérémoniel
Une fois devant le pavillon cérémoniel (haiden), les visiteurs adressent leurs prières aux divinités du sanctuaire. Ils effectuent en général une « prière simplifiée » (ryakushiki sanpai), debout, à l’extérieur du haiden. Il existe aussi une version plus élaborée de ce rituel formel (seishiki sanpai ou jôden sanpai) qui se déroule à l’intérieur du haiden. ( Lire la suite )
Tamagaki : la clôture de l’espace sacré
Au-delà du « pavillon cérémoniel » (haiden), il y a le « pavillon principal » (honden), une sorte de saint des saints abritant le « support matériel de la divinité » (shintai). Le honden est entouré par une « clôture-joyau » (tamagaki) composée d’un nombre plus ou moins grand d’enceintes qui l’isolent du monde extérieur. L’enceinte la plus proche du honden est en général appelée mizugaki et les suivantes tamagaki, aragaki (clôture brute) ou itagaki (clôture de planches). ( Lire la suite )
Honden : le pavillon principal
Le honden, est l’endroit le plus sacré du sanctuaire, celui où la divinité tutélaire est censée résider. Son architecture, qui varie grandement d’un jinja à l’autre, fait en général référence au kami qu’on y vénère. (Lire la suite)
Shintai / Shinboku : support matériel de la divinité et arbres sacrés
Le shintai (littéralement « corps de la divinité ») est le support matériel dans lequel l’esprit du kami tutélaire du sanctuaire est supposé résider. Il se trouve dans l’« espace intérieur » (naijin) du honden, l’« espace extérieur » (gejin) étant celui où les desservants accomplissent les rituels. ( Lire la suite )
Shamusho : le bureau du sanctuaire
Le shamusho est un édifice situé dans l’enceinte du sanctuaire où ne se déroule aucun rituel ni cérémonie. C’est là que les desservants, les officiants et le reste du personnel du sanctuaire se tiennent quand ils ne sont pas en train d’effectuer des tâches liées à leur fonction. Les visiteurs se rendent au shamusho pour y déposer des demandes de rituels propitiatoires (kitô) ou autres. ( Lire la suite )
Shôzoku : les vêtements des officiants du shintô
Le shôzoku, la tenue des desservants shintô, s’inspirait à l’origine des costumes de cour de la dynastie chinoise des Tang (618-907) où le Japon a envoyé régulièrement des ambassades jusqu'en 838. Mais ce type de vêtement a ensuite évolué une fois qu’il a été adopté par les habitants de l’Archipel.[/size]
Les multiples changements qui ont affecté le Japon à l’époque moderne ont eu une incidence très minime sur les sanctuaires shintô (jinja). Les habitants de l’Archipel continuent à se rendre souvent au jinja le plus proche de leur lieu de résidence, que ce soit à l’occasion du Nouvel An ou pour tenter de conjurer le mauvais sort. Les touristes étrangers sont eux aussi attirés par ces espaces sacrés qui inspirent toujours une certaine crainte, même aux plus désinvoltes. Dans cette série d’articles très détaillés et abondamment illustrés, nous vous invitons à découvrir le monde fascinant des sanctuaires shintô sous un jour nouveau, afin que vous puissiez apprécier pleinement ces lieux incomparables, quand viendra le moment de les visiter. Suivez le guide !
Sanctuaires shintô : suivez le guide ! [size=47]Visite guidée d’un sanctuaire shintô [1] : Torii Toya Manabu Le torii marque l’entrée de l’enceinte des sanctuaires shintô japonais, qui symbolise la frontière entre monde profane et monde sacré. La silhouette de ce portique rouge vermillon est célèbre dans le monde entier.
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Torii : les portiques délimitant l’espace sacré
Le mot torii désigne le portique qui marque l’entrée de l’enceinte sacrée des jinja. Son apparence particulièrement distinctive a fait de lui l’emblème des sanctuaires shintô dans le monde entier. La présence d’un torii avertit le visiteur qu’il est sur le point de pénétrer dans un espace sacré. L’usage veut d’ailleurs que l’on s’incline avant de le franchir. La taille et le nombre des torii varie en fonction de l’importance du sanctuaire. Quand il y en a plusieurs, le plus imposant est celui qui se trouve à l’entrée de l’enceinte sacrée et porte le nom de « premier portique » (ichi no torii). Les autres torii – appelés respectivement « second portique » (ni no torii) et « portique du sanctuaire » (san no torii) – marquent le passage dans un espace encore plus sacré que le précédent, au fur et à mesure que l’on progresse vers le pavillon principal. Sous sa forme la plus simple et la plus courante, le torii est constitué de deux piliers surmontés par un linteau (kasagi) et reliés par une poutre (nuki) située en dessous du kasagi. Certains sont pourvus d’un petit toit à deux pentes (ryôbu torii). D’autres, appelés miwa torii, comportent deux portiques secondaires accolés de part et d’autre du torii principal. Contrairement à une idée reçue, tous les torii ne sont pas recouverts d’un enduit rouge vif et la plupart d’entre eux ont la couleur du bois naturel. Certains sont en pierre et depuis quelque temps, les torii en métal, en béton ou en résine renforcée de fibres ont tendance à se multiplier.
Sanctuaire d’Ise (à Ise dans la préfecture de Mie)
Sanctuaire d’Usa (à Usa dans la préfecture d’Ôita)
Sanctuaire de Hiyoshi Taisha (à Ôtsu dans la préfecture de Shiga)
Le portique principal du sanctuaire Fushimi Inari (à Fushimi dans la préfecture de Kyoto)
Le chemin d’accès « sandô » avec les mille torii du sanctuaire Fushimi Inari
Sanctuaire Nogi (dans l’arrondissement de Minato à Tokyo)
Sanctuaire Ôarai Isosaki (à Ôarai dans la préfecture d’Ibaraki)
Toya Manabu L’allée donnant accès aux sanctuaires shintô (jinja), appelé sandô, est un chemin qui mène du portique d’entrée torii jusqu’au pavillon principal honden. La partie centrale du sandô est considérée comme réservée à la circulation des divinités kami. [/size]
Sandô : le chemin d’accès au cœur du sanctuaire
Le portique torii marquant l’entrée du jinja une fois franchi, le visiteur aborde le « chemin d’accès » (sandô) qui va le mener progressivement jusqu’au cœur du sanctuaire. Le sandô est en général recouvert de gravier ou d’un pavage de pierre. Il est vivement déconseillé de marcher sur la partie centrale du sandô parce que, dans de nombreux sanctuaires, celle-ci est considérée comme un axe (seichû) réservé aux déplacements des divinités. Mieux vaut rester sur le côté droit ou gauche du chemin d’accès. Le fameuse avenue « Omotesandô » (littéralement « sandô de devant »), qui se trouve dans le quartier de Harajuku, doit son nom au chemin d’accès du sanctuaire Meiji jingû, situé à proximité.
Le sandô du sanctuaire de Mitsumine (à Chichibu dans la préfecture de Saitama)
Le sandô du sanctuaire d’Usa (à Usa dans la préfecture d’Ôita)
Chinju no mori : la forêt des divinités tutélaires
Le chemin d’accès des sanctuaires shintô les plus anciens est en général bordé par de grands arbres qui matérialisent la limite entre le sandô et la « forêt des divinités tutélaires » (chinju no mori, appelée aussi « espace rituel » himorogi), où le sanctuaire a été édifié. Au Japon, on considère le chinju no mori comme un lieu sacré où résident les divinités. C’est pourquoi il est formellement interdit d’y prélever ne serait-ce qu’une simple feuille morte et a fortiori d’y couper un arbre, quel qu’il soit. Les sanctuaires les plus vénérables de l’Archipel sont souvent nichés au cœur de forêts primordiales pratiquement intactes.
La forêt des divinités du sanctuaire d’Ise (à Ise dans la préfecture de Mie)
Dernière édition par Norvgroen le Jeu 7 Nov - 0:36, édité 1 fois
Norvgroen Admin
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Sujet: Re: sanctuaire shintô Jeu 7 Nov - 0:17
Sanctuaires shintô : suivez le guide ! [size=47]Visite guidée d’un sanctuaire shintô [3] : Shimenawa Toya Manabu Le shimenawa est une corde de paille de riz tressée qui délimite une enceinte shintoïste sacrée. Ces cordes sont posées non seulement sur les lieux de culte comme les sanctuaires et leurs portiques torii, mais aussi sur les rochers et les arbres sacrés.
Shimenawa, les cordes sacrées
Dans la langue japonaise, le terme shimenawa désigne une corde en paille placée autour d’un objet ou au-dessus d’un espace pour indiquer son caractère sacré et sa pureté. Cette corde est souvent ponctuée de houppes et de bandelettes de papier japonais plié en forme de zigzag (shide). Les shimenawa disposés au-dessus d’un espace sont en général très volumineux au centre et de plus en plus étroits en allant vers leurs extrémités, alors que ceux qui entourent un objet sacré ont tendance à avoir partout la même épaisseur. Il y a toujours une corde sacrée au-dessus de l’entrée du pavillon cérémoniel (haiden) des sanctuaires et on en voit très souvent sur les torii. En fait, c’est l’une des premières choses que l’on remarque lorsqu’on visite un sanctuaire shintô. Les arbres considérés comme sacrés (shinboku) sont eux aussi entourés par un shimenawa. Le petit autel shintô qui se trouve dans les maisons japonaises traditionnelles comporte également une corde sacrée, de même que la décoration du Nouvel An (shimezakari) placée au-dessus de la porte d’entrée pour souhaiter la bienvenue au dieu de l’année qui commence (toshigami). À l’origine, les cordes sacrées étaient confectionnées avec du chanvre, mais les restrictions concernant la culture de cette plante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en ont fait une denrée rare, tant et si bien que la plupart des shimenawa sont à présent en paille de riz ou de blé. [/size]
Le sanctuaire d’Izumo (à Izumo dans la préfecture de Shimane)
Le sanctuaire de Kumano (à Matsue dans la préfecture de Shimane)
Sanctuaires shintô : suivez le guide ! [size=47]Visite guidée d’un sanctuaire shintô [4] : Temizuya Toya Manabu Le temizuya est un pavillon d’ablution destiné au rite de purification cérémoniel dans le shintô. Les visiteurs s’y lavent les mains et la bouche avec de l’eau claire qui remplit un bassin de pierre situé à côté du torii. [/size][/size][/size][size][size][size] En suivant le chemin d’accès du sanctuaire, on finit par arriver au « pavillon des ablutions » (temizuya ou chôzuya) situé juste à côté du dernier torii. Il abrite un petit bassin alimenté en permanence avec de l’eau courante. Les visiteurs s’y arrêtent pour se purifier les mains et la bouche avant de pénétrer dans le cœur du sanctuaire. Ce rituel de purification est une version simplifiée du misogi, une pratique traditionnelle shintô qui consiste à se livrer à des ablutions dans un cours d’eau ou une source situés dans l’enceinte du sanctuaire, comme c’est encore le cas au grand sanctuaire d’Ise, dans la préfecture de Mie, où les pèlerins se purifient dans la rivière Isuzu.
Le rituel de purification shintô : mode d’emploi
Le rituel de purification shintô comporte un certain nombre de règles précises. On notera qu’il doit être accompli avec le contenu d’une seule et unique hishaku (une louche en bambou ou en métal avec un long manche). Voici comment procéder. Commencez par prendre une louche rituelle à long manche avec votre main droite. Remplissez-la avec de l’eau du bassin du pavillon des ablutions. Versez un peu de l’eau contenue dans le hishaku sur votre main gauche. Mettez ensuite la louche dans votre main gauche et purifiez votre main droite avec une partie de l’eau restant dans le hishaku. Reprenez le hishaku avec votre main droite. Versez un peu de l’eau qu’il contient encore dans votre main gauche et purifiez votre bouche avec, comme ci-dessus. Versez à nouveau un peu de l’eau contenue dans la louche sur votre main gauche. Mettez le hishaku à la verticale, comme ci-dessus, de façon à rincer son manche avec le restant de l’eau. Pour finir, videz entièrement la louche et remettez-la à l’emplacement où vous l’avez trouvée.
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Le temizuya au sanctuaire de Nogi, dans l’arrondiseement de Minato à Tokyo.
Le temizuya au sanctuaire d’Ômiya Hachimangû, dans l’arrondiseement de Suginami à Tokyo.
Le temizuya au sanctuaire d’Izumo, à Izumo dans la préfecture de Shimane.
Toya Manabu Les statues en pierre appeléeskomainu que l’on trouve, par paire, à l’entrée ou devant le honden (pavillon principal) de nombreux sanctuaires shintoïstes. Ils sont conçus pour conjurer les mauvais esprits. [/size][size]
Komainu : les gardiens de pierre du sanctuaire
Les komainu (littéralement « chiens de Corée ») sont constitués par une paire de créatures imaginaires semblables à des lions (shishi) placés de part et d’autre du sandô, non loin de l’entrée du sanctuaire ou du pavillon principal (honden). Ils sont censés écarter les démons de l’espace sacré. L’origine des komainu remonterait aux sphinx de l’Égypte ou aux lions de l’Inde ancienne, et à une époque plus récente, à la dynastie des Tang (618-907) au cours de laquelle le bouddhisme est arrivé au Japon, via la Corée. C’est alors que ces statues de pierre – représentant des « chiens » dits de Corée, appelés aussi kôrai-inu, mais dont on n’a retrouvé aucun exemplaire dans la péninsule coréenne – auraient fait leur apparition dans l’Archipel. La plupart des komainu ressemblent vraiment aux « lions chinois » (kara jishi) que l’on trouve communément en Chine. En général, ces deux animaux fabuleux sont représentés avec la gueule ouverte (a) pour l’un d’entre eux, et fermée (um) pour l’autre. Cette tradition, loin d’avoir un rapport quelconque avec le shintô, fait directement référence au bouddhisme et à la syllabe aum – prononcée avec la bouche d’abord ouverte puis fermée – qui représente le son primordial à l’origine de l’univers. Mais il arrive aussi que l’on trouve des représentations d’animaux associés à la divinité tutélaire du jinja, en lieu et place des komainu. Au sanctuaire de Mitsumine situé dans la préfecture de Saitama et dédié à Ôguchi no magami, ce sont deux loups qui montent la garde. Dans les sanctuaires consacrés à Inari, ce sont des renards qui font office de komainu. Là où l’on vénère Tenmangû – alias le célèbre lettré Sugawara no Michizane (845-903) –, les komainu sont remplacés par des bœufs. Et dans le sanctuaire Hie sannô de Tokyo, par des singes. [/size]
Le komainu de gauche à l’entrée du sanctuaire Kashii-gû à Fukuoka dans la préfecture de Fukuoka.
Le komainu de droite à l’entrée du sanctuaire Kashii-gû.
Au sanctuaire Nogi, à l’arrondissement de Minato, Tokyo.
Au sanctuaire Nitta, à Satsuma-Sendai dans la préfecture de Kagoshima.
Toya Manabu (sandô) du sanctuaire, on accède au « pavillon cérémoniel » (haiden) où les visiteurs se recueillent et rendent hommage aux divinités (kami) tutélaires du lieu. Ils déposent de l’argent dans la boîte à offrandes, font tinter la cloche située à proximité et accomplissent le rituel décrit ci-dessous. [/size][/size][/size][size][size][size]
Haiden, le pavillon cérémoniel
Une fois devant le pavillon cérémoniel (haiden), les visiteurs adressent leurs prières aux divinités du sanctuaire. Ils effectuent en général une « prière simplifiée » (ryakushiki sanpai), debout, à l’extérieur du haiden. Il existe aussi une version plus élaborée de ce rituel formel (seishiki sanpai ou jôden sanpai) qui se déroule à l’intérieur du haiden. Pour un rituel simplifié à l’extérieur du haiden, mettez de l’argent dans la boîte à offrandes (saisen bako), tirez sur la corde qui actionne la cloche et faites la série de gestes décrits ci-dessous. Ceux qui souhaitent un rituel formel dans le haiden doivent s’acquitter d’une redevance dite de la « branche-joyau » (tamagushi ryô). Le desservant du sanctuaire procède alors à une purification rituelle (oharai) et il récite une formule d’invocation (norito). Le commanditaire du jôden sanpai présente ensuite aux divinités le tamagushi constitué d’une branche de cléyère (cleyera japonica) ornée bandelettes de papier japonais plié en forme de zigzag (shide). Et pour finir, il accomplit le rituel ci-dessous. [/size][/size][/size]
Le sanctuaire de Takachiho, Takachiho, dans la préfecture de Miyazaki.
Le sanctuaire Ômiwa, Sakurai, dans la préfecture de Nara.
Le sanctuaire Kanasana, Kamikawa, dans la préfecture de Saitama.
Le sanctuaire de Suwa, dans la préfecture de Nagano.
Le sanctuaire Nogi, dans l’arrondissement de Minato à Tokyo.
Le sanctuaire Naminoue, Naha, dans la préfecture d’Okinawa.
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Rituel sanpai
1. Déposez respectueusement de l’argent dans la boîte à offrandes. 2. Tirez sur la corde qui actionne la cloche. 3. Le corps bien droit, inclinez-vous profondément à deux reprises à partir des hanches, sans courber le dos. 4. Mettez vos mains à hauteur de la poitrine et frappez-les deux fois l’une contre l’autre. 5. Joignez les mains et formulez votre prière. 6. Pour finir, inclinez-vous profondément une dernière fois.[/size][/size][/size][/size]
Norvgroen Admin
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Sujet: Re: sanctuaire shintô Jeu 7 Nov - 0:27
Sanctuaires shintô : suivez le guide ! [size=47]Visite guidée d’un sanctuaire shintô [7] : Tamagaki Toya Manabu Le cœur du sanctuaire, où se trouve le « pavillon principal » (honden), est entouré par une clôture (tamagaki) marquant la limite entre le monde profane et l’espace sacré. Le tamagaki se compose d’une ou plusieurs enceintes en fonction de l’importance du sanctuaire. Mais à l’origine, il était constitué par une simple haie vive protégée par une clôture de brindilles. [/size][size]
Tamagaki, la clôture de l’espace sacré
Au-delà du « pavillon cérémoniel » (haiden), il y a le « pavillon principal » (honden), une sorte de saint des saints abritant le « support matériel de la divinité » (shintai). Le honden est entouré par une « clôture-joyau » (tamagaki) composée d’un nombre plus ou moins grand d’enceintes qui l’isolent du monde extérieur. L’enceinte la plus proche du honden est en général appelée mizugaki et les suivantes tamagaki, aragaki (clôture brute) ou itagaki (clôture de planches). Le sanctuaire intérieur (naikû) du grand sanctuaire d’Ise est protégé par une quadruple clôture. La première enceinte, située le plus près du naikû, a pour nom mizugaki ou ichi no tamagaki, la seconde ni no tamagaki, la troisième san no tamagaki, et la dernière, la plus extérieure par rapport au honden, itagaki. [/size]
Tamagaki du grand sanctuaire d’Izumo, préfecture de Shimane.
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Sakaki
Jadis, le tamagaki avait la forme d’une haie vive – essentiellement constituée de sakaki (cleyera japonica, cléyère), un arbre à feuilles persistantes considéré comme sacré –, qui était protégée par une clôture de brindilles (shibagaki). L’idéogramme utilisé pour écrire le mot sakaki 榊 se compose de la clef de l’« arbre » 木 et du caractère kami 神, qui signifie « divinité ». Il a en outre la particularité d’avoir été forgé dans l’Archipel (kokuji), contrairement à la plupart des kanji que le Japon a empruntés à la Chine, ce qui prouve le rôle important joué par cet arbre dans le shintô. À l’origine, la « forêt des divinités tutélaires » (chinju no mori) qui entoure les sanctuaires se composait elle aussi pour l’essentiel de sakaki et de lauriers à feuilles pérennes. Les branches de cléyère ornées de bandelettes de papier japonais plié en forme de zigzag (shide) qui ponctuent souvent la clôture extérieure des sanctuaires shintô rappellent que jadis, le tamagaki était une simple haie vive. [/size][/size]
Une petite branche de sakaki ornée d’un shide fixée sur l’une des enceintes du grand sanctuaire d’Ise, dans la préfecture de Mie.
Le honden est, au sens littéral du terme, le « pavillon principal » du sanctuaire, le saint des saints où se trouve le « support matériel de la divinité » (shintai). Un examen attentif de l’édifice permet de se faire une idée du type d’architecture auquel il appartient et de la divinité qu’il abrite. [/size][/size][/size][size][size][size]
Honden, le pavillon principal
Le honden, est l’endroit le plus sacré du sanctuaire, celui où la divinité tutélaire est censée résider. Son architecture, qui varie grandement d’un jinja à l’autre, fait en général référence au kami qu’on y vénère. Mais elle se rattache toujours à l’un des deux grands styles architecturaux des édifices shintô. Le premier est le style taisha zukuri du sanctuaire d’Izumo dont l’entrée précédée d’un grand escalier se trouve du côté du pignon. Et le second, le shinmei zukuri du sanctuaire d’Ise, où l’on pénètre par l’un des côtés. Le style taisha zukuri rappelle celui des maisons de l’époque ancienne et le shinmei zukuri, celui des greniers japonais de l’antiquité. Mais quel que soit le style du sanctuaire, le toit du « pavillon principal » comporte toujours deux éléments en bois caractéristiques appelés respectivement chigi et katsuogi. Le chigi est un épi de faîtage constitué par deux madriers qui se croisent au sommet de chaque pignon du honden et se prolongent en formant un V. Les katsuogi sont des rondins de bois fixés horizontalement sur la poutre faîtière de l’édifice. Il existe une multitude de styles de honden, mais ils incluent tous les chigi et les katsuogi emblématiques de l’architecture shintô. La présence de ces deux éléments architecturaux, loin de relever uniquement de considérations d’ordre esthétique, est aussi chargée de sens. Lorsque les extrémités du chigi sont coupées horizontalement (uchisogi), cela veut dire que la divinité vénérée dans le sanctuaire est féminine. Et quand elles sont verticales (sotosogi), il s’agit d’un kami masculin. [/size][/size][/size]
Les différences caractéristiques des extrémités des épis de faîtage (chigi)
[size][size][size][size] Les rondins de bois (katsuogi) posés sur la faîtière du honden sont eux aussi très révélateurs sur la divinité tutélaire du sanctuaire. Lorsqu’ils sont en nombre pair, on est en présence d’un kami femelle alors que dans le cas contraire, il s’agit d’une entité divine mâle. À de rares exceptions près, les honden présentant des chigi aux extrémités horizontales comportent aussi des katsuogi en nombre pair. Et ceux dont les chigi sont coupés verticalement, ont en même temps un nombre impair de rondins de bois. Certains sanctuaires shintô sont dépourvus de honden et ne comportent qu’un « pavillon cérémoniel » (haiden). Il s’agit souvent d’établissements très anciens et de lieux sacrés où l’on vénère une montagne ou un arbre à caractère sacré. C’est le cas, entre autres exemples célèbres, du sanctuaire Ômiwa situé sur le mont Miwa (préfecture de Nara), du grand sanctuaire de Suwa du mont Moriya (préfecture de Nagano) et du sanctuaire Kanasana du mont Mimuro (préfecture de Saitama). [/size][/size][/size][/size]
Le sanctuaire de Tajima, à Karatsu, dans la préfecture de Saga
Le sanctuaire de Nagata, à Kobe, dans la préfecture de Hyôgo
Le sanctuaire de Tsuno, à Koyu, dans la préfecture de Miyazaki
Le « support matériel de la divinité » (shintai) se trouve à l’intérieur du honden, auquel les visiteurs n’ont pas accès. Dans certains sanctuaires, c’est un objet sacré qui a souvent la forme d’un joyau, d’un miroir ou d’une épée (voir illustration ci-dessous). Dans d’autres, c’est un élément de la nature, par exemple une montagne ou un arbre (shinboku) vénérés comme une divinité. [/size][size]
Le support matériel de la divinité et les arbres sacrés
[size=13]Exemples de shintai. De gauche à droite : miroir, joyau (magatama), épée, autrement dit les « trois trésors sacrés » de la maison impériale japonaise. Le shintai (littéralement « corps de la divinité ») est le support matériel dans lequel l’esprit du kami tutélaire du sanctuaire est supposé résider. Il se trouve dans l’« espace intérieur » (naijin) du honden, l’« espace extérieur » (gejin) étant celui où les desservants accomplissent les rituels. Les objets sacrés dans lesquels les kami sont censés résider sont souvent l’un des « trois trésors » – miroir, pierre sacrée en forme de croissant (magatama) ou épée – qui symbolisent la maison impériale japonaise. Ils ne sont montrés au public qu’en de très rares occasions. Le shintô est un culte essentiellement fondé sur des croyances de type animiste dont les adeptes vénèrent la nature sous différentes formes. C’est pourquoi dans certains sanctuaires, le shintai est un élément ou un phénomène de la nature qui a un nom bien précis. Kannabi, par exemple, s’applique à des montagnes sacrées remarquables par leur imposante beauté. Les plus célèbres sont le mont Fuji vénéré dans les sanctuaires Sengen (ou Asama), le mont Haku célébré dans les sanctuaires Hakusan (ou Shirayama) et le mont Tateyama qui fait l’objet d’un culte dans les sanctuaires Oyama. Le terme iwakura fait référence à des formations rocheuses particulièrement énormes et majestueuses considérées comme sacrées. Les roches de Gotobiki iwa vénérées dans le sanctuaire Kamikura (préfecture de Wakayama), de Mitsuishi du sanctuaire éponyme (préfecture d’Iwate) et d’Iwakura du sanctuaire d’Hana no Iwaya (préfecture de Mie) figurent parmi les plus célèbres d’entre elles. Quant à himorogi, c’est un mot qui désigne les forêts en tant que sanctuaires naturels et les vieux arbres de taille gigantesque considérés comme habités par des divinités (shinboku). Le grand camphrier de Kamô du sanctuaire Kamô Hachiman (préfecture de Kagoshima), celui de Kinomiya, vénéré dans le sanctuaire de Sugihokowake no mikoto (préfecture de Shizuoka) et le zelkova « arbre du dieu dragon » du sanctuaire Chichibu Imamiya (préfecture de Saitama), font partie des shinboku les plus fameux du Japon. [/size][/size]
Arbre sacré (shinboku) du sanctuaire de Kagoshima jingû, à Kirishima, dans la préfecture de Kagoshima.
Shinboku du sanctuaire d’Awa, à Tateyama, dans la préfecture de Chiba.
Shinboku du sanctuaire de Tsurugi, à Echizen, dans la préfecture de Fukui.
Shinboku du sanctuaire de Shiogama, à Shiogama, dans la préfecture de Miyagi.
Quand ils n’ont pas de rite à célébrer, les desservants et le personnel shintô se retirent dans le bureau du sanctuaire (shamusho). C’est là aussi que les visiteurs peuvent se procurer pour eux-mêmes et leur maison des amulettes protectrices sanctifiées par la divinité tutélaire du lieu. [/size][/size][/size][size][size][size]
Shamusho, le bureau du sanctuaire
Le shamusho est un édifice situé dans l’enceinte du sanctuaire où ne se déroule aucun rituel ni cérémonie. C’est là que les desservants, les officiants et le reste du personnel du sanctuaire se tiennent quand ils ne sont pas en train d’effectuer des tâches liées à leur fonction. Les visiteurs se rendent au shamusho pour y déposer des demandes de prières rituelles (kitô). Près de l’entrée, il y a un comptoir où l’on vend des amulettes (omamori), des talismans et des horoscopes (omikuji) comme ceux décrits ci-dessous. Quand ils font l’acquisition de ce genre d’objets, les Japonais n’emploient pas le mot « acheter » (kau) mais celui de « recevoir » (ukeru), parce que pour eux, ce sont des symboles de croyance et pas des produits de consommation. Parmi les emplettes que l’on peut faire au bureau du sanctuaire, il y a les shinsatsu, des amulettes relativement grandes en papier, en bois ou en métal qui comportent une inscription calligraphiée ou imprimée et sont censées être imprégnées des pouvoirs surnaturels d’un kami. Les fidèles les ramènent chez eux où ils les placent sur le petit autel shintô familial (kamidana). Les shinsatsu du grand sanctuaire d’Ise, appelées taima fuda, sont particulièrement recherchées. Les mamori fuda sont des shinsatsu de petite taille conçus pour être portés en permanence sur soi. Le bureau du sanctuaire vend aussi des hamaya (littéralement « flèche qui détruit les démons »), des talismans que l’on place ostensiblement dans la maison pour écarter les esprits malfaisants. On y trouve aussi des ema, des tablettes votives dont certaines comportent une image peinte sur l’une de leurs faces. Les fidèles y inscrivent l’objet de leur vœu avant de les déposer en tant qu’offrande dans un emplacement du sanctuaire réservé à cet effet. Enfin les omikuji consistent en des petites feuilles de papier tirées au hasard qui prédisent l’avenir en donnant des indications plus ou moins précises sur différents aspects de la vie quotidienne. Amulettes : pour la maison (shinsatsu) (à gauche) et à porter sur soi (mamori fuda) (à droite). Un talisman « flèche qui détruit les démons » (hamaya) (à gauche) et tablette votive (ema) (à droite).
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Le bureau du sanctuaire d’Okuni, à Mori, dans la préfecture de Shizuoka.
Le bureau du sanctuaire de Masumida, à Ichinomiya, dans la préfecture d’Aichi.
Le bureau du sanctuaire Nogi, dans l’arrondissement de Minato à Tokyo.
Toya Manabu Les desservants des sanctuaires shintô et leurs assistants portent des tenues traditionnelles tout à fait spécifiques. Voici en quoi elles consistent.
Shôzoku, les vêtements des officiants du shintô
Le shôzoku, la tenue des desservants shintô, s’inspirait à l’origine des costumes de cour de la dynastie chinoise des Tang (618-907) où le Japon a envoyé régulièrement des missions jusqu’en 838. Mais ce type de vêtement a ensuite évolué une fois qu’il a été adopté par les habitants de l’Archipel. Aujourd’hui, les desservants shintô sont les seuls à revêtir ce genre de tenue. Jusqu’à une période récente, le shôzoku était exclusivement réservé aux hommes parce que les femmes n’étaient pas autorisées à officier dans un sanctuaire shintô. Mais choses ont changé et il y a aujourd’hui des desservants de sexe féminin dont la tenue est une adaptation du costume traditionnel masculin. Les vêtements des officiants du shintô sont de trois types : formel (seisô), cérémoniel (reisô) et ordinaire (jôsô). Les tenues formelles relèvent du style de l’ancien habit de cour (ikan) qui se composait d’une longue robe (hô) comportant parfois une ceinture, portée par dessus un pantalon large (hakama). Le tout était complété par une coiffe (kanmuri). Elles rappellent par bien des côtés les costumes de l’aristocratie japonaise de l’époque de Heian (794-1185). La couleur et les motifs du vêtement indiquent le rang du desservant dans la hiérarchie shintô, comme c’était le cas pour les fonctionnaires de la cour de Heian. Les tenues cérémonielles (reisô) relèvent du style saifuku qui diffère de celui du ikan dans la mesure où les tissus sont entièrement blancs et dépourvus de tout motif. Elles sont exclusivement réservées aux desservants lorsqu’ils accomplissent des rites et elles sont parfois utilisées à la place des seisô pour l’exécution des rituels les plus formels. Les tenues « ordinaires » (jôsô) des officiants shintô sont de deux sortes : « vêtement pur » (jôe) et « tenue de chasse » (kariginu). Le kariginu s’inspire du costume conçu pour faciliter les mouvements des nobles de cour du Japon ancien lorsqu’ils allaient à la chasse. C’est la tenue la plus courante des desservants shintô, celle dans laquelle les visiteurs les voient le plus souvent. La tenue ordinaire est complétée non pas par une coiffe (kanmuri) mais par un bonnet (eboshi). La couleur du hakama – pourpre pour les gûji (le rang le plus élevé dans la hiérarchie shintô) et les gon gûji (vice-gûji), bleu pâle pour les negi (assistants de gûji), gon negi et les autres officiants de rang moins élevé – indique le rang du desservant. Quand ils portent une tenue formelle, les desservants de sexe masculin sont toujours munis d’un bâton rituel plat (shaku) insigne de leur dignité qu’ils tiennent dans la main droite. Et leurs pieds sont chaussés de socques de bois laqué traditionnelles (asagutsu). Les miko, les jeunes filles en général vêtues d’un hakama rouge et d’une tunique blanche que l’on peut voir dans les sanctuaires, ne célèbrent aucun rituel. Elles se contentent d’assister le desservant en effectuant un certain nombre de tâches qui leur sont réservées. [/size]
Tenue formelle (seisô) de desservant de rang supérieur et de premier rang (les rangs plus élevés). Le desservant porte une coiffe (kanmuri). La différence entre les deux rangs est indiquée par de légères variations dans la couleur et les motifs des tissus.
Tenue formelle (seisô) de desservant de deuxième rang supérieur et deuxième rang. Le desservant porte une coiffe (kanmuri). La différence entre les deux rangs est marquée par de légères variations dans la couleur et les motifs des tissus.
Tenue formelle (seisô) de desservant de troisième et quatrième rang. Le desservant porte une coiffe (kanmuri). Absence de motifs sur les tissus.
Tenue cérémonielle (saifuku) entièrement blanche et dépourvue de motifs. Le desservant porte une coiffe (kanmuri).
Desservant en tenue ordinaire dite « de chasse » (kariginu). Il porte un bonnet de type eboshi.
Desservant en « tenue ordinaire » jôe.
Miko en tenue formelle (seisô.)
Miko en tenue ordinaire (jôsô)
Les miko du sanctuaire Nishinomiya dans la préfecture de Hyôgo.
Les desservants et assistants du sanctuaire Mononobe d’Ôta (préfecture de Shimane) en tenue formelle, lors d’une cérémonie.
Jolyon Thomas On considère en général le shintô comme la religion originelle du Japon, implantée dans ce pays depuis les temps anciens. Mais les traditions et les pratiques qui le constituent ont beaucoup changé au fil des ans et il continue d’évoluer en osmose avec la vie des gens.
Une visite sur le lieu de naissance du « shintô officiel »
Le soir du 2 février de cette année, quelques amis et moi nous sommes retrouvés à l’extrémité sud du grand parc de l’Université de Kyoto, parmi une multitude de gens qui marchaient vers l’est en direction du sanctuaire Yoshida. C’est en fait un ensemble de sanctuaires bâtis sur une petite colline située au centre-est de Kyoto. La foule qui s’étirait dans la rue avançait lentement. En approchant à petits pas du portail torii qui marque l’entrée du sanctuaire, nous passâmes devant des stands bariolés remplis de jeux, de nourriture grasse et de jouets. Les chapeaux à oreilles de lapin semblaient faire fureur.
L’idée que les Japonais adoptent une attitude solennelle quand ils franchissent le torii est très répandue, mais elle est erronée. À l’approche du portail géant de couleur vermillon, la plupart des gens autour de nous bavardaient et plaisantaient. Les gardes en uniformes se servaient de leurs matraques et de cordes pour canaliser la foule des piétons, qu’ils laissaient pénétrer dans l’enceinte du sanctuaire par groupes successifs d’une vingtaine de personnes. L’un des gardes était chargé de la tâche ingrate de crier sans cesse des directives dans un porte-voix.
À l’entrée de l’enceinte, il y eut une halte devant des comptoirs occupés par des employés du sanctuaire, car nous voulions examiner les divers amulettes et talismans proposés. Après une brève discussion avec mon épouse, je fis l’acquisition de deux talismans joliment empaquetés promettant l’un de garantir la sécurité du foyer et l’autre de porter chance. À tout hasard, voyez-vous.
Le sanctuaire Yoshida occupe une place particulièrement importante dans l’histoire du shintoïsme. Nos achats terminés, nous grimpâmes au Daigengû (le Sanctuaire de la Grande Origine), un bâtiment peu commun en chaume qui n’est ouvert au public qu’environ trois heures par mois. Le Daigengû est entouré d’une douzaine de petits sanctuaires dédiés aux divinités (kami) de chacune des provinces traditionnelles du Japon. L’idée est qu’il est commode de disposer d’un lieu unique pour honorer toutes les divinités du Japon.
Cet édifice remarquable est une création de Yoshida Kanetomo, un innovateur du XVe siècle qui a réussi à persuader les élites politiques de son époque de lui confier le contrôle exclusif de l’octroi des autorisations d’officier aux prêtres chargés du culte aux divinités « autochtones » (autrement dit non bouddhistes) connues sous le nom de kami. Jusque-là, la conception du shintô comme une tradition cultuelle autonome distincte du bouddhisme était pratiquement inexistante (le bouddhisme est arrivé au Japon via la Corée au VIe siècle). En instituant un monopole des autorisations destinées au clergé et en traitant le culte des kami comme une pratique locale et purement autochtone, Yoshida Kanetomo, a indéniablement fait du shintô une religion à part.
Ceci étant, qu’est-ce vraiment que le shintô ?
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Un portail shintô, le torii (:copyright: tenjou/Pixta)
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L’histoire trouble des sanctuaires ordinaires
Si l’on veut se forger une idée du shintô, on peut tout simplement concentrer son attention sur les sanctuaires en tant que lieux affectés au culte des kami (les spécialistes traduisent par « sanctuaire » les mots jinja et jingû, qui désignent les édifices shintô, tandis que le mot « temple » est employé pour les lieux de culte bouddhistes). Les études archéologiques suggèrent que les habitants de l’archipel japonais ont célébré des rituels dans des lieux consacrés à cet usage depuis le début de notre ère ; divers documents historiques anciens attestent en outre que les hommes entretenaient des liens avec des entités connues sous le nom de kami (les esprits, y compris ceux de certains morts), jingi (divinités célestes et terrestres) ou mono (phénomènes inquiétants). Mais les historiens divergent quant au lien direct que les références textuelles permettent ou non d’établir entre, par exemple, le culte des jingi et le shintô d’aujourd’hui.
Ce dont on est sûr, c’est que bien des kami aujourd’hui vénérés dans tout le Japon étaient à l’origine les ancêtres déifiés de groupes unis par des liens de parenté, dont de puissants clans d’immigrants venus de la péninsule coréenne. Les chroniques impériales du Japon (dont la compilation a commencé au début du VIIIe siècle) fournissent des informations sur les tensions au sujet des divinités entre la cour de Yamato (conçue comme « locale ») et d’autres lignées parentales (envisagées tantôt comme « locales », tantôt comme « étrangères »). Aux yeux de la cour, bien des divinités – y compris l’ancêtre impérial putatif, la déesse du soleil Amaterasu – étaient de redoutables entités qu’il convenait d’apaiser pour se mettre à l’abri de la famine et de la peste que leur courroux aurait pu provoquer. Dans le Japon ancien, le principe de base était qu’il fallait veiller à ce que les divinités soient toujours contentes, au cas où l’idée leur viendrait de faire quelque chose de terrible.
Les récits populaires dépeignent souvent le shintô comme une religion présente au Japon depuis des temps immémoriaux, mais la plupart des anciens sanctuaires « shintô » faisaient partie de vastes ensembles rituels placés sous l’autorité de lignées sacerdotales bouddhistes, et la conception qu’on s’en faisait relevait principalement du bouddhisme. Si certains sanctuaires comme le Kasuga Taisha de Nara sont indéniablement anciens, d’autres sont en fait assez récents, malgré l’impression de vénérable antiquité qu’ils donnent. Un site touristique aussi populaire que le Meiji Jingû de Tokyo, par exemple, a été construit pour la déification de l’empereur Meiji après sa mort, survenue en 1912. Ce sanctuaire n’a été achevé qu’en 1920, et son enceinte est le reflet des théories de planification urbaine modernes sur les besoins des citoyens en matière de loisir tout autant que des théories classiques sur l’agencement des forêts sacrées shintô (chinju no mori). En vérité, l’histoire nous apprend que les sanctuaires étaient tout autant des lieux de spectacle que d’austère vénération. C’est ainsi que la construction du sanctuaire Heian en 1985 a été sponsorisée par des hommes d’affaires de la région de Kyoto qui voulaient encourager le tourisme local, et que le sanctuaire Yasukuni de Tokyo était célèbre en tant que site de divertissements carnavalesques bien avant de devenir le monument aux victimes de la guerre que nous connaissons aujourd’hui (voir notre article sur le sanctuaire Yasukuni).
Centres communautaires et destinations touristiques
Et que font donc les gens dans les sanctuaires ? La visite du sanctuaire Yoshida telle que je l’ai décrite plus haut est une bonne illustration de l’allure que prennent les grand sanctuaires les jours de festival : hordes de gens, stands commerciaux alignés aux abords du sanctuaire et profusion d’aliments et de boissons. Bien des festivals sont l’occasion de défilés tapageurs où l’alcool coule à flot, tandis que des membres de la population locale font le tour de la paroisse du sanctuaire en promenant la divinité principale dans un petit sanctuaire portatif (mikoshi) et en s’arrêtant aux quelques endroits prévus (otabisho) sur le parcours avant de ramener la divinité au sanctuaire. Ce protocole donne lieu à un large éventail de variantes selon les régions. Certaines incluent des danses sacrées (kagura), d’autres des défilés de chars (dashi) tirés le long des rues par des membres de la communauté. L’organisation d’un festival exige de la communauté locale des investissements conséquents. Dans les zones rurales où la population diminue, les sanctuaires doivent se battre pour maintenir en vie les traditions festivalières, et les sanctuaires urbains eux-mêmes se voient parfois contraints de confier à des employés de bureau du voisinage les tâches fastidieuses indispensables à la préparation d’un festival. Qu’ils soient urbains ou ruraux, la plupart des sanctuaires disposent d’un groupe de membres importants (presque toujours des hommes) de la collectivité, le sôdai, qui fait office de conseil d’administration et prend les choses en main lorsqu’il s’agit d’organiser ou de financer des événements célébrés au sanctuaire. En guise de remerciement, les donateurs reçoivent des lanternes et des affiches portant leurs noms, si bien que les festivals offrent des opportunités de publicité aux entreprises locales. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le mécénat d’entreprise contribue à la diffusion des rites shintô à l’étranger. En février 2019, par exemple, une entreprise japonaise de construction navale a célébré une cérémonie shintô de pose de la quille dans l’usine qu’elle exploite dans une banlieue de Shanghai. En dehors des festivals, la tranquillité règne en général dans les petits sanctuaires, qui ne reçoivent d’autres visites que celles des résidents locaux. Au nombre des services rituels célébrés par les prêtres pour leurs paroissiens figurent les purifications harae destinées à éliminer les influences néfastes, les rites de passage pour les jeunes enfants et les rituels jichinsai qui servent à purifier la terre avant la construction d’un nouveau bâtiment. En revanche, les grands sanctuaires comme le Fushimi Inari (Kyoto) attirent tous les jours des foules de touristes ; beaucoup sont en outre très prisés pour les somptueux mariages qu’ils proposent. Ces grands sanctuaires accueillent aussi de nombreux visiteurs aux premiers jours du Nouvel An, à l’occasion de ce qu’on appelle le hatsumôde, jusqu’à trois millions dans le cas du Meiji Jingû de Tokyo, où la gare voisine de Harajuku installe un quai spécial pour faire face à cet afflux de passagers. Il se trouve que la tradition du hatsumôde est née des campagnes de publicité menées par les sociétés de chemins de fer à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, quand les exploitants ferroviaires ont fait la promotion des visites du Nouvel An aux sanctuaires dans l’idée qu’elles pouvaient servir à multiplier les ventes de billets de train. Depuis quelques temps, des gens qui n’ont pas eu de formation à la prêtrise shintô ont décrété qu’un certain nombre de sanctuaires étaient des « lieux de pouvoir », autrement dit des endroits où l’on peut capter l’énergie de forces mystérieuses. Il existe aussi des sanctuaires qui sont devenus des destinations touristiques pour les fans d'animes japonais désireux de visiter les sanctuaires du monde réel qui servent de modèles pour les sanctuaires imaginaires de leurs films préférés (Lire aussi : Le « pèlerinage en terre sainte », ou la ruée des fans sur les lieux célèbres des animes). Les prêtres peuvent tirer un profit de ces tendances en intégrant des références officieuses aux lieux de pouvoir ou aux dessins animés dans leurs festivals ou dans les tablettes votives (ema) qu’ils vendent ; ils peuvent aussi tenter de canaliser les pratiques non orthodoxes des visiteurs vers des rites « officiels ».
La pratique de la prière
Du fait même qu’on perçoit le shintô comme quelque chose d’essentiellement nippon, on pourrait être tenté de croire que les Japonais savent intuitivement comment se comporter dans les sanctuaires. Il est pourtant révélateur que bien des sanctuaires affichent des instructions en langue japonaise sur le protocole « adéquat » pour vénérer les kami (deux salutations, deux claquements de mains, mains jointes pour faire une prière, nouvelle inclination profonde). Les prêtres des sanctuaires posent en outre des affiches demandant aux gens de s’incliner devant les kami à chaque fois qu’ils franchissent un portail torii. Ces mesures suggèrent que le clergé shintô est en permanence en train d’enseigner aux Japonais la manière adéquate de pratiquer leur propre tradition « japonaise ». Et de fait, le mot « pratique » offre un bon moyen de comprendre la place que le shintô occupe dans la vie japonaise contemporaine. Pour beaucoup de gens d’aujourd’hui, les sanctuaires sont des lieux où entrer en interaction avec les divinités, que ce soit avec désinvolture ou avec enthousiasme. Qu’ils croient ou non en l’existence des kami est une question oiseuse, car lorsqu’ils achètent des amulettes de protection contre les accidents de la route ou qu’ils promènent un sanctuaire portatif dans leur quartier, les gens agissent comme si les kami existaient vraiment. En clair, ils pratiquent le shintô. À tout hasard, voyez-vous... (Article écrit à l'origine en anglais. Photo de titre : la foule au sanctuaire Meiji Jingû à Tokyo, juste après minuit, le 1er janvier 2012. Photo avec l'aimable autorisation de Takada Yoshikazu.) https://www.nippon.com/fr/views/b05201/?cx_recs_click=true
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