Kasajizō, la légende des six statues sacrées

Kasajizō, la légende des six statues sacrées
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 Nordvei le 20/06/2017 à 11:35 - Contes / Mythologie - 

Souvent raconté aux enfants lors de représentation de théâtre ambulant (kamishibai), Kasajizō est un conte populaire nippon qui nous parle de générosité, de sacrifice et de respect.

Au Japon, Kasajizō (笠地蔵 ou かさじぞう) est un conte traditionnel transmis à la jeune génération qui provient des anciens enseignements bouddhiques. Le nom Kasajizō est composé de deux mots : kasa (笠), qui désigne un modèle de chapeau de paille plat confectionné à l'époque à la main, et jizō (地蔵), qui fait référence à une petite statue de pierre érigée aux abords des carrefours et des cimetières, en l'honneur d'une divinité censée protéger les esprits des enfants morts.

On appelle également cette fable la "légende des six jizō" (Rokujizō, 六地藏), en référence aux six mondes décrits dans les préceptes du culte de Bouddha. Selon la coutume, les statues de jizō sont installées par six et chacune d'entre elle fait référence à un monde de la "roue de la vie".

La légende du vieillard et des six statues jizō

L'histoire nous entraîne au cœur des montagnes japonaises, dans un endroit reculé où vivent un vieillard et sa femme, tous deux sans le sou. Alors qu'il a passé toute sa vie à confectionner des chapeaux et des chaussures de paille pour aller les vendre aux villages les plus proches, il est aujourd'hui trop pauvre pour célébrer dignement l'arrivée de la nouvelle année qui approche à grands pas. Envieux d'offrir une belle veillée du Nouvel An à sa femme, il décide de fabriquer quelques sacs et quelques sandales afin d'aller les vendre en ville. L'argent qu'il récoltera lui permettra d'acheter suffisamment de riz pour préparer de bons gâteaux de riz, comme c'est la coutume.

Alors que dehors, il commence à neiger, le vieillard enfile une coiffe afin de se protéger du froid tandis que sa femme le supplie de revenir sain et sauf. Elle lui promet de chauffer leur maisonnette en attendant son retour et, déterminé, le vieil homme s'engage sur le sentier qui mène à la ville. En passant dans une forêt, il croise sur son chemin cinq statues de jizō, qui se tiennent silencieusement au bord de la route. En signe de respect, il s'incline devant elles puis retire la couverture de neige qui commençait à recouvrir le haut de leur crâne.

Lorsqu'il arrive au village, le vieillard est inquiet : « Oh, que ces bonshommes doivent grelotter dans ce froid… ». Il vend alors toutes ses créations et se rend compte qu'il a collecté assez d'argent. Il troque sa monnaie, censée servir à l'achat du riz, contre cinq chapeaux de paille, puis décide de retourner chez lui. C'est très joyeusement qu'il revient sur ses pas et croise donc de nouveau les statues de jizō, qui méditent toujours sagement dans la forêt. Il s'avance devant chacune d'entre elles et place ses chapeaux sur leurs têtes afin de les protéger pour l'hiver. Cependant, il découvre qu'une sixième petite statue de pierre est installée à côté des autres ! Il est certain de ne pas l'avoir vue à l'allée et se trouve bien embêté : c'est qu'il n'avait prévu que cinq chapeaux et désormais, il n'a plus de sous pour en acheter un autre… D'abord hésitant, il finit par se décider : il retire le morceau de tissu qui lui avait jusqu'ici servi de coiffe et l'enfile sur la sixième statue, en prenant soin de bien l'attacher sous son menton de pierre.


Un peu las de son voyage, le vieil homme reprend sa route et arrive finalement à chez lui, dans une maison qui a, comme convenu, été chauffée pour son retour. Il y retrouve sa femme, qui lui exprime un sourire sincère : « Allez ! faisons ces gâteaux de riz ». Devant son enthousiasme, le vieillard se trouve un peu hébété : « Ma chère femme, je suis vraiment désolé, mais je n'ai pas acheté de riz ». Contrariée, elle lui demande comment il est possible de passer la nouvelle année sans gâteaux de riz, et il lui explique sa petite aventure dans la forêt : « Je suis vraiment navré, mais nous, nous avons cette belle maison pour nous tenir au chaud, à l'abri de l'hiver. Ces jizō, eux, n'ont rien pour les protéger de la neige et ils ne peuvent rien faire sinon rester immobiles ». Touchée par l'histoire de son mari, la vieille femme se résigne à accepter la situation. Le couple se contentera, pour cette veillée du Nouvel An, d'une simple bouillie.

Peu avant l'aube, alors qu'ils sont tous les deux couchés, satisfaits du repas qu'ils ont partagé le soir même, les deux vieux époux sont réveillés par des bruits sourds et des chants qui semblent venir de leur jardin. « La voici, la maison de l'homme. L'homme qui nous a donné des chapeaux, l'homme qui nous a donné son trésor ». Intrigué, le vieillard se précipite vers la porte d'entrée de la maison et lorsqu'il l'ouvre, au beau milieu de la belle neige de l'hiver, les six jizō de la veille se présentent à lui, parfaitement alignés. Il reconnaît les cinq qui portent les chapeaux de paille et le sixième, à qui il a généreusement légué sa coiffe. Les bonshommes de pierre glissent vers lui un grand sac de paille, le remercient, et s'enfuient lentement vers la forêt, où ils vont retrouver leur place habituelle.

Le vieil homme traîne le lourd paquet vers la maison et en le défaisant, lui et sa femme ont le plaisir de découvrir de nombreux vêtements, de la nourriture, de l'argent ainsi qu'un gros sachet de riz. Apporté par les statuettes sacrées en signe de gratitude, ce présent d'une grande valeur aura permis au vieux couple de ne plus connaître la misère et de vivre heureux pour leurs dernières années passées ensemble.