Hello tout le monde, c'est vendredi, c'est reparti ! On enchaîne avec le chapitre 7 !
- Bon, on en fait quoi de lui ?
La question de Phillip flotta dans les airs sans obtenir de réponses tandis que nous regardions l’assassin dans une salle d’interrogatoire derrière la vitre sans teint. Light Crowd de son vrai nom, était un cas pour le moins étrange : né à Chicago dans une famille populaire, un parcours scolaire dans la moyenne, il ne s’est jamais fait remarqué et avait même tendance à être oublié par les autres, cela étant dû au fait qu’il possède une discrétion digne d’un voleur ou de l’homme invisible. Il obtint son diplôme sans pour autant briller par ses notes et part travailler dans une usine de voiture. Hélas, là-bas, il tomba dans le coma des suites d’un accident survenu dans des circonstances assez étranges, une explosion qui n’aurait jamais dû avoir lieu car les normes sécuritaires étaient censées être conformes ; le patron de l’usine n’a pas voulu reconnaître son implication dans le disfonctionnement de ses machines et accusa Light de les avoir saboté pour porter plainte ensuite et gagner le procès. C’est ici qu’on perd sa trace : on confirme son arrivée à l’hôpital mais pas sa sortie, on ne pense même plus à lui, comme s’il s’était peu à peu effacé de l’histoire. Et c’est ainsi qu’on le retrouve travaillant comme mercenaire, assassin, criminel constamment en fuite.
- Il va bien falloir qu’on l’interroge un jour ou l’autre, lança Orek. On doit savoir si il bosse bien pour Nicholas, qui sont ses complices, où cet enfoiré se terre, tout ce qu’on demande dans des interrogatoires normaux quoi !
- Parce que tu en as fait beaucoup des interrogatoires, demanda Yohan d’un ton moqueur. Et puis, c’est quoi un interrogatoire normal pour toi ? Les trucs qu’on voit dans les séries policières ?
- Non. Nous, on a des moyens pour le faire parler, qu’il le veuille ou non, dit Ike. Allez, je me lance, rajouta-t’il en entrant dans la salle.
- Et bien, j’ai bien fait de couper les caméras, souffla Ryan à lui-même.
Nous pénétrâmes ensemble dans la pièce, Light nous regardait faire menotté et assis tranquillement. Ryan s’assit devant lui et le fixa intensément : les deux hommes s’affrontaient du regard, le sang du chef et l’acier de l’assassin. Tout en continuant ce combat visuel, Ryan lança une simple question :
- Es-tu prêt à parler ?
Pause.
- Non.
- Pourquoi ?
Pause.
- Parce que je n’ai rien à vous dire.
- Es-tu prêt à souffrir alors ?
Regard interrogateur de la part de l’intéressé.
- Je vais prendre ça pour un oui. Ike, tu sais ce qu’il te reste à faire.
Le japonais posa son index sur l’épaule gauche de Light et pressa fort : l’aura indigo, destructrice et morbide, creusa un trou dans la chair et les muscles, causant une douleur très peu soutenable au tueur qui pourtant se retint de crier. Un flot de sang jaillit et Phillip, surprit par le geste de son compère, se mit à chantonner pour arrêter le gaspillage d’hémoglobine mais Ryan, d’un geste de la main, lui fit comprendre qu’il ne devait pas. A la place, une petite coque rouge translucide apparut et bloqua temporairement l’hémorragie.
- Ne t’inquiète pas, dit ce dernier à l’intention du blessé, j’ai également rétabli le courant entre tes artères, je ne voudrais pas que tu meures entre nos mains.
- Mais tu es complètement fou Ryan, se mit à crier Gerald, toujours estomaqué par cet acte de sang-froid. Tu penses aux conséquences que ce geste peut avoir !? On est ni plus ni moins que des monstres si on fait ça, si on le torture pour obtenir des réponses !
Ryan se tourna vers lui et lui dit d’une voix posée, monocorde, sans émotion :
- Tu as eu ton expérience personnelle en tant que médecin humanitaire, je peux comprendre ton sentiment face à cela mais ici, nous ne sommes plus sur le terrain, nous sommes face au meurtrier de nos mentors qui ne veut pas reconnaître ses crimes et ne veut pas coopérer.
- Mais on ne peut pas le forcer, on risquerait de le voir se retourner contre nous par la suite, lâchais-je à la suite. Et puis, il existe d’autres moyens de le faire parler que celui-là : Orek peut le contrôler par exemple, rajoutais-je d’une voix basse pendant que Phillip soignait Light malgré l’interdiction donnée par Ryan.
- Je ne peux pas, dit le scandinave, je ne peux que contrôler physiquement et le contrôle mental est bien trop compliqué, même pour un surdoué comme moi. De plus, je ne pourrais pas lui faire avouer car je ne peux implanter que des nouvelles informations, pas récupérer les anciennes.
- Bon, très bien, murmura finalement Ryan. Ike, la jambe.
Avant que nous ne puissions intervenir, Ike avait déjà donné un grand coup de pied dans le genou tendu de Light, lui brisant la jambe droite en deux. Gerald, les poings entourés de flammes émeraude, se rua alors dans un grand cri sur Ryan qui le bloqua avec un autre bouclier rouge tandis que le tueur hurlait de douleur et que Yohan et moi empêchions Ike de faire le moindre mouvement, celui-ci n’offrant aucune résistance. Derrière tout ce vacarme, Orek prit le contrôle du blessé pour qu’il arrête de crier et Phillip le guérit puis ils se retournèrent et nous prirent tous la tutelle de leurs Couleurs : nous sentîmes une vague de langueur et de calme nous envahirent tandis que la voix du chanteur nous envoyait ses notes apaisantes.
- Je pense que cet interrogatoire risque d’être plus difficile que prévu, mes amis, soufflais-je. Maintenant Ryan, explique nous ton geste ! Et toi Ike, pourquoi tu lui as obéi !?
Nous restâmes un long moment à nous regarder en chiens de faïence, nos respirations pour seul fond sonore. Ryan baissa les yeux et soupira :
- Je suis désolé, c’est la seule moyen qui m’a traversé l’esprit. J’ai été obnubilé par cette idée de vengeance et je me suis laissé emporter. C’est vrai que je ne sais pas comment cet homme a pu égorger Renato et les autres aussi facilement et j’aimerais bien le savoir ; je veux tous vous apporter la solution à nos problèmes, je veux voir périr Nicholas et la perspective de le retrouver enfin m’a aveuglé. J’en suis sincèrement désolé. Pour ce qui est d’Ike, c’est moi qui lui ai expliqué mon idée et c’est vrai que la vengeance était la seule chose à laquelle nous pensions ; nous nous sommes alors mis d’accord pour le briser tant physiquement que mentalement mais nous pensions à la base faire cela avec le pouvoir d’Orek.
- Merci mec, cracha l’intéressé.
- Mais c’est vrai, reprit Ryan, que je ne sais pas comment nous allons faire. Il est resté loyal à Nicholas et ne semble pas prêt à lâcher le morceau. Je sais que ce genre de personne est entrainé à subir des interrogatoires musclés mais là… Nous étions perdus : Light ne voulait pas répondre à nos questions, il ne parlait pas, ne faisait rien, n’avait même pas envisagé à utiliser son pouvoir quel qu’il soit pour se libérer. C’est comme s’il avait abandonné tout espoir, comme s’il s’était résigné à mourir entre nos mains. Tout à coup, Phillip se leva et demanda à Orek :
- As-tu ressenti quelque chose en lui, quelque chose d’étrange qui t’aurais semblé anormal ?
Orek réfléchit quelques instants et répondit :
- Oui, une sorte de manque… Comme s’il avait oublié, non, plutôt comme si on l’avait forcé à oublier sa condition d’être humain. C’était assez étrange comme ça alors… Je suis désolé, je ne sais vraiment pas comment expliquer quelque chose d’aussi abstraite que ça ! Tu veux en venir à quoi ?
Phillip lui fit signe de le rejoindre et lui souffla quelque chose à l’oreille. J’observais la scène, sceptique et intrigué à la fois : qu’avait bien pu imaginer notre guérisseur pour faire parler Light ? Je vis Phillip chantonner doucement pendant qu’Orek prenait le contrôle du tueur, des volutes violettes et orange s’échappant de sa tête renversée et de sa bouche. Ce petit manège dura une quinzaine de minutes puis les deux ‘‘explorateurs de l’esprit’’ sortirent de leur transe pour nous dire :
- Bon, cet homme a réellement un manque, je ne sais pas à quoi c’est dû ni ce qu’il lui manque exactement mais c’est comme l’a dit Orek tout à l’heure. Il semblerait qu’il ait perdu une part d’humanité, pas dans le sens ‘‘c’est un tueur donc c’est normal’’ mais plutôt dans le sens où il est incapable d’avouer quoi que ce soit. Vous savez, quand on perd tout espoir, les gens ont tendance à tout cracher pour faire le plus de mal à ceux qui l’ont abandonné mais là…
- Soit il fait preuve d’un dévouement sans précédent envers son employeur, soit comme on le disait, il lui manque certains sentiments, celui du désespoir par exemple.
Nous restions tous un peu hébétés car nous n’avions pas vraiment compris ce qu’ils voulaient dire par ‘‘il lui manque des sentiments’’. On va dire que ce concept m’était légèrement vague alors pour les autres, je n’osais imaginer.
- Vous pouvez essayer d’être plus clairs les gars, lança Yohan, parce que là, j’ai l’impression de parler avec les responsables financiers de mon entreprise !
- Ce qu’on veut vous expliquez, reprit Phillip excédé, c’est qu’il faut vous imaginez ce qu’on a perçu comme une… Comme une immense loterie où chaque boule serait une émotion, un sentiment. Lorsque vous éprouvez l’une d’entre elles, la boule correspondante sort, parfois accompagnée de quelques autres qui donnent lieu à toute une palette d’attitude. Ici, on a cherché partout où pouvait se trouver le manque qu’avait mentionné Orek et nous l’avons finalement trouvé : les boules correspondant à la tristesse, au désespoir, à l’abandon, à la lâcheté, bref, tout ce qui aurait pu le rendre dangereux pour son employeur, avaient comme disparu. Ou plutôt, elles étaient présentes mais c’est comme si elles étaient masquées par un voile noir, une trace qui les recouvraient entièrement et donc les empêchaient de sortir. De ce fait, c’est comme si elles avaient disparues de son cerveau, il était incapable de les exprimer. Maintenant, la question est de savoir comment on va faire pour enlever ce voile.
- Tu ne peux pas le faire toi-même, lui demanda Ike. Tu as pu guérir les blessures d’à peu près tout notre groupe présent ici et même les plus graves, tu devrais être capable de faire ça ?
Phillip hocha la tête dans un geste de négation et ajouta :
- Ma Couleur ne me permet hélas que de soigner les blessures physiques et apaiser les gens quand ils ne vont pas bien, je ne peux pas soigner les maux de l’âme ni ceux du cœur alors tu imagines bien qu’un truc dans le système cognitif, ce n’est pas vraiment mon domaine.
- Je vous demanderais alors de bien vouloir sortir de cette pièce pour que je puisse m’en occuper.
Nous nous tournâmes vers Gerald qui venait de s’exprimer avec une voix grave empreinte de volonté. Sans lui poser de questions superflues, nous nous exécutâmes et nous plaçâmes derrière la vitre sans teint.
De l’autre côté, Gerald enflamma ses poings, les déplia et se mit à tracer des signes dans l’air, des cercles remplies de symboles en tout genre, le tout fait de flammes émeraude de toute beauté. Les cercles se placèrent autour de Light, l’entourèrent même jusqu’à l’enserrer complètement et les yeux du médecin s’illuminèrent vivement, un flot de paroles qu’il n’aurait jamais prononcé normalement s’échappant de ses lèvres :
- Ne crains rien mon fils, je suis celui qui efface l’obscurité sans répit, celui qui chasse les ombres envahissant les hommes, leur cœur et leur esprit, celui qui pourchasse les démons venus des Enfers tourmenteurs, je suis ton sauveur, le Rédempteur purificateur !
Accompagnant la fin de son texte, il pointa ses deux poings joints vers la poitrine de l’assassin qui fut pénétré par un déluge de feu vert, se mettant à hurler de douleur ; toutes les flammes avaient disparues, installées dans le corps de Light. Gerald passa derrière lui, lui tint fermement la tête en arrière et sa voix gronda une nouvelle fois :
- Maintenant, expulse toutes ces perversions ! Maintenant !
Light ouvrit la bouche et un torrent de feu vert envahit à nouveau la pièce, le brasier courant sur les murs blancs, avant de disparaître subitement. J’ouvris violemment la porte et me précipitais vers le médecin qui s’était écroulé sur le sol après son petit numéro d’exorcisme. Je le réveillais doucement et lui demanda s’il allait bien, ce à quoi il me répondit avant de s’évanouir à nouveau:
- Nous avons un nouvel allié parmi nous désormais, je l’ai purifié.
Voilà, à la semaine prochaine ! ---------------------------------- L'imagination est le propre de l'homme car "nous sommes faits de la même matière que les rêves" (William Shakespeare)
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